Journaliste

Lila Ichane

Journaliste musique

Paris

john - Les Autodidactes

Passionnée de musique et d’écriture depuis l’enfance, c’est une évidence de devenir journaliste musique pour Lila Ichane. Originaire de Chartres, elle suit des études d'histoire à Tours, avec pour objectif d’entrer en école de journalisme à la suite de l’obtention de son diplôme. Chose qu’elle ne fera pas, il faut bien subvenir à ses besoins quand on monte sur la capitale. Sérieuse et motivée, elle entre chez Skyrock à la suite d’une candidature spontanée, on lui donne sa chance, elle y apprendra son métier sur le terrain.
Retour sur son parcours tenace.

Hello Lila, Tu es journaliste musique autodidacte avec un beau parcours chez Skyrock. Peux tu te présenter et nous en dire plus sur ton parcours ?

Hello. Je suis née à Chartres et j’ai grandi dans le petit village de Morancez. Depuis toute petite déjà la musique me passionnait, l’écriture aussi. Quand je ne copiais pas les paroles de chanson que j’aimais, je me laissais aller à l’écriture de poèmes. Les mots ont toujours eu une importance pour moi alors que j’étais pourtant peu bavarde et très timide. Mon parcours commence dès la fin de mon année de 1ère au lycée. J’ai eu la chance grâce à ma tante de faire un job d’été dans une entreprise d’édition de musique classique à Paris. Ma tante s’occupait de la facturation de partitions achetées par les écoles et conservatoires. Cet été là, je tombe amoureuse de Paris. Et cette première expérience aura une influence dans mon parcours. Après mon Bac, je travaille de nouveau pour cette entreprise. Ce qui me permet de mettre de l’argent de côté pour financer mon départ du nid familial pour aller en fac d’histoire à Tours. Je l’avoue, cette première année est un échec, frustrée de ne pas avoir été prise sur Paris et la vie en cité universitaire, ne me convient pas. Je n’ai qu’un objectif, arriver coûte que coûte à m’inscrire en fac d’Histoire à Jussieu (Paris VII). J’arrive à décrocher une place à Jussieu mais, en parallèle des cours, je travaille à nouveau à mi-temps dans l’entreprise de musique classique en tant qu’assistante commerciale. Un job indispensable pour pouvoir vivre à Paris. Après mes années fac, je m’inscris à l’école multimédia pour découvrir le métier de webmaster où je suis en alternance pour un site web spécialisé sur le service à domicile. Je ne terminerai pas cette année. Mais suite à une candidature spontanée à Skyrock, je suis embauchée en tant qu’assistante commerciale. Et c’est au sein de cette entreprise que j’ai l’opportunité d’apprendre le métier de journaliste.

À quel niveau d’études t’es tu arrêtée ? Qu’est-ce qui t’a poussée à être autodidacte dans le journalisme ?

J’ai un bac + 3, mon dernier diplôme est une licence d’histoire. Ce qui m’a poussée à être autodidacte, c’est la passion et ma détermination. A la base, je devais après cette licence, tenter les concours d’entrée des écoles de journalisme. Mais comme tout étudiant venant de province, je devais subvenir à mes besoins. A ce moment là, travailler à Skyrock était pour moi une évidence. Mais je gardais toujours en tête que je voulais écrire, réaliser des interviews, je ne me disais jamais que j’abandonnais l’idée d’accomplir mon rêve. Je dévorais les magazines Radikal, L’Affiche ou les interviews télé diverses et variées en me disant qu’un jour moi aussi je ferais ce métier.

Tu travailles également dans le Social Media. Est-ce que c’est le fait d’être autodidacte qui t’as permis de faire plusieurs métiers et de toucher à tout ?

Aujourd’hui, j’ai en effet bifurqué en devenant Social Media Manager, mais à l’époque la polyvalence était de rigueur. J’étais journaliste ou plutôt rédactrice car je n’ai jamais demandé à avoir la carte de presse. J’ai en parallèle fait plusieurs métiers. Je travaillais sur le web pour Skyrock et c’était au début de l’internet en 2001, je faisais tout toute seule. J’ai fait le travail d’écriture, de cadrage et de réalisation des interviews, pris des photos de concert lors des reports live. Avec le succès des Skyblogs, j’ai aussi été modératrice et j’ai eu la chance d’être chef de projet lors du lancement des Skyblog Music. Je pense qu’à partir du moment où on m’a fait confiance pour écrire mon 1er article sur le site et que, d’assistante commerciale je suis passée à rédactrice. Je n’ai pas eu peur d’accomplir les tâches différentes qu’on me confiait.

Quels ont été les aspects positifs et les aspects négatifs que tu as pu rencontrer dans ton parcours ? Est ce que le chemin est plus long et lent que les autres ou pas forcément ?

Les aspects positifs c’est que j’ai pu tester de nombreux métiers, j’ai appris à me débrouiller. Et devant l’inconnu même si j’ai peur, eh bien je fais, du mieux que je peux, en doutant mais je travaille et je fais. Grâce à ce parcours, j’ai pu travailler aussi dans la presse spécialisée pour le magazine R.E.R, ce que je n’aurais jamais imaginé. J’ai osé lancer mon blog que je ne tiens plus depuis mais avec lequel j’ai vécu de belles expériences telles que les Apéros Lilloux... Le côté négatif par contre, c’est ce sentiment de ne pas être légitime. Pour ma part, même si j’allais au front, en ayant appris sur le tas je me demandais toujours, est-ce que je fais bien ? Est-ce que j’ai les bonnes techniques ? Quand j’ai débuté, les tutos sur youtube ça n’existait pas. Le chemin n’a pas été plus long pour moi pour exercer ce métier que j’ai toujours voulu faire, j’ai commencé à 25 ans, c’est même tôt.

Quels sont, selon toi, les aspects positifs et négatifs à ne pas avoir fait d’école de journalisme ?

Les aspects positifs de ne pas avoir fait d’école c’est que je n’ai pas été formaté, j’avais ce sentiment de liberté dans ma façon de travailler. J’ai utilisé mon intuition (énormément), ma propre sensibilité, ma méthode et tout ça en m’enrichissant de ce que je lisais, de ce que j’aimais. Je ne me mettais pas de barrière. Le côté négatif, c’est que j’ai toujours au fond de moi cette pensée qui revient : « Si j’avais fait une école, je serais peut-être meilleure » et je me serais sentie plus légitime et j’aurais osé postuler dans des médias comme la presse quotidienne par exemple. Le fait que je sois restée 16 ans chez Skyrock, même si j’y ai fait plusieurs métiers est sans doute lié à certain manque de confiance d’un point de vue professionnel.

Par rapport à ceux qui sont sortis de grandes écoles, est-ce que tu t’es sentie en décalage, à un moment donné de ta vie, ou, au contraire, pas du tout ? Qu’ont de plus les élèves qui sortent des grandes écoles ?

Clairement oui, j’ai toujours regretté par exemple de ne pas avoir tenté Sciences Po’ ou même les écoles de journalisme. Les élèves des grandes écoles ont une faculté à structurer leurs idées ou leurs pensées que je n’ai pas. Ils ont aussi des codes qui correspondent aux attentes des recruteurs. Et ils bénéficient d’un réseau incontestable.

Y a-t-il eu un événement marquant / un déclic / l’aide d’une personne (…), qui t’a permis de te lancer dans ce que tu fais aujourd’hui ?

Il y a un peu des deux. Au fond de moi-même, j’ai toujours voulu faire ce métier et j’ai toujours cru qu’un jour j’y arriverais. Et si je me suis lancée, c’est au départ grâce à mes parents. Ouvrier tous les 2, toute mon enfance, ils m’ont répété « Il faut que tu fasses un travail que tu aimes ». Ils étaient intransigeants sur les résultats scolaires, par contre au niveau des choix d’orientation, ce qui leur importait, était que l’on opte pour quelque chose qu’on aimait. Le deal était d’être bon, voir le meilleur dans ce que l’on décidait de faire. Ensuite sans la confiance du 1er rédacteur en chef Jean-Jacques Rue et du directeur général digital de Skyrock Frank Cheneau qui m’offrent le poste de rédactrice, sans expériences précédentes, je n’en serais pas là non plus.

En tant qu’autodidacte, est-ce que tu as déjà eu la sensation de t’être lancée dans quelque chose de vertigineux/ambitieux, justement, pour pallier au manque de diplômes ?

Non car à ce moment la, c’était naturel de se donner à 200%. Pour pallier au manque de diplômes, je devais travailler et travailler encore. Il faut juste garder en tête qu’avec le temps, pour moi je faisais le job de mes rêves. J’ai eu une éducation hyper stricte et j’ai toujours été hyper sérieuse dans le travail. Je me disais que je n’avais pas le droit à l’erreur. J’avais peur du gouffre mais quoi qu’il arrive je faisais tout pour ne pas y tomber. Je me devais d’être à la hauteur de la chance qu’on m’offrait.

Est-ce qu’il y a quelque chose que tu n’as pas pu faire à cause du manque de diplômes ?

Non je n’ai pas été confrontée à cela. Aujourd’hui ce qui m’empêche de passer un step supérieur, c’est plutôt le fait de ne pas être complètement bilingue en anglais. Je suis autodidacte mais le temps que j’ai mis à me former à mon métier m’a fait oublier que l’anglais était si important. Je suis capable de faire des interviews ou de correspondre par écrit en anglais, mais je ne suis pas fluent. Et c’est aujourd’hui un élément qui bloque mon évolution professionnelle, bien plus qu’un diplôme. Alors oui, comme j’ai appris mon métier seule, on me dit que je peux rattraper mon retard en anglais mais je dois avouer qu’à 42 ans, je suis un peu essouflée.

Enfant ou adolescente, étais tu déjà attirée par le métier que tu exerces maintenant ? Penses tu que ce que tu as vécu dans ton enfance-adolescence t’as aidé à avoir ensuite un parcours atypique, sans diplômes, ou pas du tout ?

Oui j’ai toujours été attirée par ce métier et pourtant je viens d’un milieu populaire. Personne dans ma famille ou dans mon entourage n’a eu cette chance. C’est certainement parce qu’à la maison, mes parents écoutaient la radio (infos et musique), de la musique (qui allait de la chanson française à la variété en passant par le reggae), ne manquaient jamais les informations, et qu’ils débattaient sur des sujets de société et de politique lors de diners de famille, que ce métier était comme une évidence pour moi. Le combo de tout cela a éveillé cette envie d’être actrice de ce que mes parents écoutaient ou lisaient. Je voulais être de l’autre côté, celui qui produit, pas du spectateur. Et les diplômes, je n’y pensais pas plus que ça. Le Graal pour mon père et ma mère était le BAC. Avant d’arriver à Paris à 19 ans, je ne connaissais pas Sciences Po, ni l’existence des grandes écoles de journalisme. Alors pour moi, faire ce que j’aime c’était faire ce que mes parents nous avaient appris : travailler et être sérieuse pour gagner la confiance des gens.

À l’école, est-ce que tu t’es sentie bien conseillée en terme d’orientation d’études ?

Au Lycée pas du tout, je me souviens que j’étais déléguée de classe en 1ère, et lors d’un conseil le proviseur me demande ce que je veux faire, je lui réponds : journaliste. Et là sa réponse, c’est : Vous connaissez des gens dans ce milieu, crédule je lui réponds : heu non ! Ce à quoi, il me répond : « Cherchez autre chose, si vous ne connaissez personne, vous n’y arriverez jamais » Le décor était planté ! À aucun moment, l’école ne m’a conseillée le parcours qu’il fallait faire pour ce métier. Niveau orientation, on nous parlait BTS, Fac mais jamais de grandes écoles. Et c’est le rôle de l’éducation nationale de faire connaître aux élèves le champ des possibles, surtout aux classes sociales les plus basses qui n’ont pas forcément connaissances de ces cursus. C’est après ma 1ère année d’histoire à Tours (que je n’ai pas validée) que je suis allée voir une conseillère d’orientation qui m’a dit : « Après Sciences-Po, ceux qui réussissent le mieux le concours d’entrée aux écoles de journalisme, sont ceux qui font de l’histoire . » Elle m’a alors conseillée de tenter cette filière après une licence. J’ai donc repris ma 1ère année à Paris Diderot jusqu’à l’obtention de mon diplôme et la suite vous la connaissez.

Pour toi, comment sont vus les autodidactes en France ?

Mon sentiment, je dis sentiment car je n’ai pas de données scientifiques sur ce sujet, c’est qu’en France, les recruteurs sont encore trop attachés aux diplômes. Contrairement aux pays anglo-saxons qui se basent sur ton expérience et sur ce que tu peux apporter à une entreprise avec tes acquis. En France, il y a une vraie culture de réseaux, de diplômes mais aussi de codes. Les recruteurs ont tendance à embaucher des personnes qui leur ressemblent ou qui ont un parcours similaire.

Un mot de la fin ?

Mon mot de la fin est un conseil : toujours croire en ses rêves ! Il y aura toujours des personnes qui vous diront que ce n’est pas possible. Alors oui, il y a des chemins directs qui permettent d’accéder à une route mais si elle est trop encombrée ou qu’on ne connaît pas cet accès, avec le travail il y a toujours moyen de l’atteindre. Le chemin peut être plus long, plus escarpé, semé d’embûches mais quand on arrive au but, il n’y a pas plus belle récompense. Comme le dit un chanteur que j’adore : plus le combat est dur plus la victoire est belle...