Concept Artist

Sébastien Hue

Concept Artist

Sèvres

Sébastien Hue - Les Autodidactes

Sébastien Hue est un Concept Artist autodidacte. Il voulait être professeur d’anglais mais se ravise après sa maîtrise et travaille dans la logistique en se formant sur le terrain. Mais Sébastien est curieux et aime la création, il apprend son futur métier, face à son écran et sa tablette graphique, tous les jours, en fréquentant des forums comme DeviantArt. Il peut enfin libérer sa créativité avec la peinture digitale. Artiste freelance, il travaille pour de nombreux clients à l’international, dans le domaine de l’édition, du jeu-vidéo et de l’industrie musicale. Il nous raconte son parcours.

Hello Sébastien. Tu es Concept Artist, Matte Painter, tu as appris ton métier par toi-même. Peux tu te présenter ? Quel est ton parcours ?

Bonjour, oui je suis artiste de concept (comme on dit au Québec) en freelance depuis 6 ans en région parisienne. J’ai changé de carrière avec deux ans de transition pour passer de la logistique dans les énergies fossiles à artiste digital. J’ai tout appris grâce à internet et les réseaux forums dans ce domaine tels que DeviantArt, CGSociety ou encore Artstation. Tout a démarré grâce à la musique lorsque j’ai fondé mon groupe de métal en 2011. La plateforme incontournable sur laquelle il fallait exister en tant que groupe était MySpace. Tu pouvais customiser ta page et mon autre guitariste est webdesigner. Il m’a montré Photoshop plus dans la pratique fun pour le groupe car je connaissais le logiciel déjà mais pas pour créer et peindre, mais plus dans un cadre technique d’impression et traitement de pdf avec les usines de fabrication. L’appétit vient en mangeant mais chez moi ça a déclenché une véritable boulimie photoshoppienne, d’en savoir plus et de développer mes connaissances sur le programme mais aussi libérer ma créativité artistique sur les visuels et la peinture digitale. Tout a commencé comme ça, j’ai produit beaucoup d’images sur les sites que j’ai mentionnés avec une passion dévorante.

À quel niveau d’études t’es tu arrêté ? Qu’est ce qui t’a poussé à être autodidacte ?

Je me suis arrêté à Bac+4 en maitrise de LCE. Je voulais faire prof d’anglais mais je me suis ravisé à la fin de la maitrise. Je me suis lancé dans le monde du travail avec les agences d’intérim que je connaissais déjà plutôt bien et je suis tombé dans le monde de la logistique par hasard. Donc ma formation en logistique et commerce international s’est faite sur le tas. J’ai ensuite fait une école pendant une année de chômage pour valider mes acquis par un diplôme BAC+5 (non d’état à l’époque) mais qui m’a permis de trouver rapidement du travail derrière. Mon seul bagage était l’anglais et c’est véritablement ce qui m’a sauvé au niveau professionnel compte tenu du niveau général français en anglais (rire). Je vais dire que je suis autodidacte par nécessité mais également par choix car j’aime apprendre continuellement, cela me permet d’avancer sur les choses qui m’intéressent vraiment au lieu de subir de l’apprentissage de choses qui me seront inutiles ou inintéressantes.

Quels ont été les aspects positifs et les aspects négatifs que tu as pu rencontrer dans ton parcours, en tant qu’autodidacte ?

Comme je l’ai dit, le plus gros aspect positif pour moi est le fait d’être décisionnaire sur le choix des enseignements et répondre le mieux à ce que j’envisage d’apprendre. L’aspect négatif est sans nul doute l’image que reflète le fait d’être autodidacte dans la validation des acquis et des compétences par rapport au diplôme qui donne la fausse assurance au recruteur français de cette validation des compétences. Je suis plus sur le modèle anglo-saxon qui valorise plus le mérite, les compétences et le savoir acquis d’un candidat par rapport à ses diplômes et parfois son manque d’expérience. Il y a en France une véritable culture de labellisation à travers les diplômes qui est propre à notre histoire mais cela est en train de changer et tant mieux.

Quels sont, selon toi, les aspects positifs et négatifs à ne pas avoir fait d’école dans ton domaine ? Est ce qu’il y a des écoles reconnues par l’Etat dans ton domaine, ou pas tant que ça ?

Il y a tellement de choses à apprendre dans mon domaine que le principal aspect négatif serait plus d’avoir connaissance de tout ce qu’il y a à apprendre et de ne pas démarrer par les bases. Cela a rendu mon parcours plus sinueux et difficile mais cela m’a permis de découvrir en permanence des choses intéressantes et nécessaires pour mon développement en tant qu’artiste. Lorsque cela devient très technique, l’école y a un gros avantage. Tu peux mettre les mains dans le moteur avec un professeur qui peut t’assister. Aborder des logiciels 3D qui sont très techniques et complexes rend plus laborieux leurs apprentissages car il y a l’enjeu « expérience » dans la maitrise de ces logiciels et aussi ce que l’industrie en demande. À cela se rajoute l’aspect artistique, les belles lumières de composition etc... Bref tout seul ça fait beaucoup à absorber. Il y a peu d’écoles dans mon domaine c’est-à-dire plus ciblées sur les jeux vidéo, et le cinéma. Je crois qu’il y en a bien plus pour des débouchés agence de pub, agence de com que studio de jeux vidéo. En revanche les diplômes dans ce domaine sont maintenant reconnus par l’Etat.

Y a-t-il eu un événement marquant / un déclic / l’aide d’une personne (...), qui t’a permis de te lancer dans ce que tu fais aujourd’hui ?

Oui un jour j’ai passé le cap avec de plus en plus de petites commissions par ci par là et un contrat plus régulier avec un éditeur de magazine pour ado pour faire de la retouche photo et des posters de stars du moment. J’étais paralysé par le grand saut du contrat CDI vers le vide du Freelance où pas de contrat pérenne, précarité etc… Je suis marié avec un enfant, c’était dur de faire la démarche sur un coup de tête et mettre la responsabilité financière quasi-totale sur les épaules de ma femme. J’ai demandé à mon employeur un congé sabbatique d’un an et j’ai finalement démissionné après 5 mois. J’ai eu le soutien de ma femme et mes proches, voire même d’anciens collègues pour franchir le cap mais ça a été compliqué. Plus tard la prise de décision arrive, plus dure la transition et le changement de carrière sera (Yoda disait… rire).

En tant qu’autodidacte, est ce que tu as déjà eu la sensation de t’être lancé dans quelque chose de vertigineux/ambitieux, justement, pour palier au manque de diplômes ?

Non pas franchement, en fait je pense qu’on n’est jamais vraiment autodidacte. Les connaissances ne sortent pas de notre esprit mais sont finalement toutes transmises par le biais d’autres personnes (enseignants, élèves) qui partagent sur le net leur savoir. J’ai appris les bases artistiques par le biais de forums dans lequel il y avait des jeunes en école d’art qui me faisaient des retours constructifs sur mes images. J’ai été en quelque sorte étudiant par procuration. À un certain niveau de stagnation, j’ai participé à un workshop de 10 semaines avec un professionnel dans l’industrie, un tuteur qui m’a enseigné énormément de choses et qui a décuplé mes capacités. Le manque de diplômes dans mon domaine n’est pas franchement un problème étant donné qu’il y a une preuve physique de ce dont je suis capable à travers mon portfolio. Le résultat et l’image finale comptent, peu importe comment j’y suis arrivé et peu importe le nom de l’école qui m’a appris à faire ça. Ce qui importe c’est le temps passé à le faire et le rendu final souhaité par le client.

Est-ce qu’il y a quelque chose que tu n’as pas pu faire à cause du manque de diplômes ?

Sur ma nouvelle carrière, pas vraiment. Sur mon ancienne carrière, oui avec mon BAC+4-+5, je ne rentrais pas vraiment dans les cases RH des entreprises. J’étais sur-qualifié pour des postes à BAC+2 et un peu sous-qualifié pour être Cadre à BAC+5. C’est principalement ma rémunération qui en a pâti mais j’ai toujours réussi à naviguer. Comme déjà dit, le diplôme rassure les recruteurs donc ça m’a forcement fermé des portes mais ça ne m’a jamais empêché d’avancer et d’être fier de mon parcours professionnel.

Enfant ou adolescent, étais tu déjà attiré par le métier que tu exerces maintenant ? Penses tu que ce que tu as vécu dans ton enfance-adolescence t’a aidé à avoir ensuite un parcours atypique, sans diplômes, ou pas du tout ?

J’ai toujours eu l’âme d’un artiste car je pratique la guitare depuis 25 ans. Ma mère m’a appris la peinture à l’huile mais à l’époque c’est-à-dire 35 ans en arrière, annoncer qu’on voulait faire une école d’art était un peu comme annoncer qu’on était atteint d’une grave maladie. Nos parents veulent le meilleur pour nous et donc vouloir devenir artiste peintre ou musicien laissait présager un futur difficile et incertain. Ce n’est plus le cas maintenant car Internet a tout changé dans nos vies. Des postes de concept artist ou matte painter peuvent être payés plus cher que certains postes de cadre sup. en grande entreprise. Il y a beaucoup de débouchés dans le digital, après il faut aussi savoir parler un bon anglais, voire s’expatrier. Je n’étais pas franchement dessinateur étant enfant, mais j’ai toujours eu la curiosité et j’ai cultivé le besoin de créer des choses.

À l’école, est-ce que tu t’es senti bien conseillé en terme d’orientation d’études ?

Non pas franchement, comme je dis j’ai mis 37 ans avant de savoir ce que je voulais faire dans la vie. Mes difficultés en mathématique au secondaire m’ont fermé les portes de beaucoup d’écoles. L’anglais a toujours été ma matière préférée et une manière d’aller au-delà des frontières, découvrir d’autres cultures sans barrière de langue. L’orientation est quelque chose de très compliqué qui demande du temps, ce que les jeunes ont de moins en moins car pris dans un système.

Pour toi, comment sont vus les autodidactes en France ?

Je ne sais pas vraiment, il y a la vision du recruteur et du recruté. La culture du mérite arrive de plus en plus en France, du moins je l’espère. Tout est une question de pouvoir faire ses preuves, avoir la chance de pouvoir montrer ses capacités et son talent. Avec les réseaux sociaux c’est possible maintenant et de manière internationale. Je pense que c’est une erreur de vouloir se cantonner à la France uniquement, surtout dans mon domaine.

Un mot de la fin ?

Merci beaucoup pour cet échange, je suis fier d’être autodidacte et pouvoir aider d’autres personnes qui sont aussi dans cette démarche. Je pense que tout est une question de volonté et de passion pour ce qu’on fait. Il faut le vouloir plus que tout et se donner les moyens pour atteindre ses objectifs. J’aime bien finir par une citation à méditer, alors la voici :

« Le succès c’est d’être capable d’aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme »
Winston Churchill

Les échecs sont nécessaires pour avancer, surtout dans un parcours autodidacte car après tout c’est aussi un parcours de vie.