Réalisatrice

Danielle

Réalisatrice

Bruxelles

Danielle - Les Autodidactes

Après des études en psychologie qu'elle ne termine pas, Danielle, en vrai electron libre, décide de se tourner vers sa passion: le cinéma. Elle quitte alors complètement les études. Le fait d'apprendre sur le terrain sans être formatée par un système académique l'enchante même. Même si elle reconnait aujourd'hui les aspects positifs et négatifs à faire une école dans l'Art, Danielle sait que le parcours qu'elle a choisi était celui qui lui correspondait le plus. Danielle fait partie de ces gens qui ont appris à se former avec les alternatives de l'école aujourd'hui: notamment via Youtube et les blogs. Elle développe actuellement un projet documentaire sur le thème de l'avortement.
Elle nous raconte son histoire.

Hello Danielle. Tu as fait des études de psycho, pour finir autodidacte dans le cinéma, pourrais-tu te présenter ? Quel est ton parcours ?

Je m’appelle Danielle, électron libre et pur produit de la génération Y, je vis à Bruxelles, une ville où j’ai grandi. Mon parcours débute avec des études en psycho auxquelles j’ai mis fin à l'issue de la 3ème année, en raison d'une perte totale de conviction dans ce que j'étais en train de faire. Je savais que j’étais passionnée de cinéma, mais je ne savais pas trop par où commencer. Je voulais trouver un moyen ou un autre d’y avoir accès. J’ai compris que le moyen le plus rapide d’en apprendre sur le sujet, était de m’engager sur le terrain, autant que possible. C’est dans cette optique que j’ai commencé à faire de la figuration. Beaucoup de figuration. De fil en aiguille, j’ai été sélectionnée pour des projets de courts-métrages, de web-séries et de pubs qui m’ont donné l’envie de poursuivre une carrière d’actrice. Entre stages d’acteur et travail perso (apprentissage libre, essais, expérimentation), j’ai rapidement ressenti une grande insatisfaction, une certaine lassitude et une irrépressible envie d’apprendre la réalisation cinéma. Je me suis d’abord formée seule sur Youtube, et sur les blogs avant d’élargir mes connaissances dans un centre dédié au cinéma indépendant. À quelques occasions, j’ai pu expérimenter le métier d’assistante réalisateur, principalement pour des projets amateurs. De manière générale, j’étais attirée par tous les domaines touchant de près ou de loin au cinéma, et c’est dans cette logique que je me suis également essayée à la photographie et au graphisme, toujours en autodidacte.

A quel niveau d’étude t’es tu arrêtée ? Qu’est ce qui t’a poussé à être autodidacte dans le cinéma ?

J’ai interrompu mes études en psycho à l’issue de la 3ème année de Bachelier. Ma plus grande motivation à être autodidacte était sans doute liée à un irrésistible désir d’apprendre le métier directement sur le terrain, dans l’immédiat, d’expérimenter un max., sans nécessairement passer par la case académique. J’étais, par ailleurs, inspirée par le parcours de certains autodidactes talentueux qui m’ont fait prendre conscience qu’il n’était pas toujours nécessaire d’avoir une éducation académique pour exceller dans une discipline.

Quels sont, selon toi, les aspects positifs et négatifs à ne pas avoir fait d’école de cinéma ?

Les aspects positifs:

- L’absence du cadre « sécurisant » d’une école, a permis, à mon sens, d’avoir une approche plus « brute » et donc plus en phase avec les réalités du terrain.
- L’idée d’une totale liberté dans le processus de la création.
- S’épargner le potentiel regret d’avoir investi de grosses sommes dans une école de cinéma qui n’était peut-être pas nécessaire pour réussir à réaliser des oeuvres de qualité.


Les aspects négatifs :

- La galère de savoir se constituer un « réseau » de collaborateurs, surtout quand on est de nature introvertie et qu’on n’a toujours pas compris comment on crée un « network efficace », ni comment l’entretenir et faire en sorte qu’il nous serve au mieux. En revanche, je reste convaincue qu’il ne faut pas forcément avoir fait une école de cinéma pour réussir à le faire, puisqu’avec beaucoup de débrouillardise, tout est possible.
- Les barrières que l’on peut parfois rencontrer lorsque, par exemple, l’on veut effectuer un stage dans une boîte de production. L’absence d’une inscription valable dans une école de cinéma, suffit souvent à rendre invalide le parcours d’un autodidacte.

Par rapport à ceux qui sont sortis de grandes écoles, est-ce que tu t’es sentie en décalage, à un moment donné de ta vie, ou, au contraire, pas du tout ?

L’aspect qui m’ait particulièrement donné le sentiment d’être en décalage a été la faculté de se créer un « réseau », qui me semblait plus naturelle et donc plus « automatique » pour eux que pour moi.

Y a-t-il eu un événement marquant / un déclic / l’aide d’une personne (…), qui t’a permis de te lancer dans ce que tu fais aujourd’hui ?

C’est incontestablement parti d’un bouillonnement intérieur, d’une invitation personnelle à me lancer dans une aventure qui me terrifiait et qui me terrifie toujours mais qui est, pour moi, une raison d’exister – ou de supporter l’existence.

En tant qu’autodidacte, est ce que tu as déjà eu la sensation de t’être lancée dans quelque chose de vertigineux/ambitieux, justement, pour pallier au manque de diplôme ?

Tout le temps. Je vis, en permanence, avec le sentiment de m’être lancée dans un projet fou, vertigineux, risqué. Par contre, je ne vis pas cela comme un moyen de pallier au manque de diplôme mais plutôt comme quelque chose qui donne du sens à un parcours de vie exempt de diplôme universitaire.

Est ce qu’il y a quelque chose que tu n’as pas pu faire à cause du manque de diplôme ?

Principalement des opportunités de stages dans des boîtes de prod’ qui m’intéressaient énormément. Ce n’est pas tant un diplôme qui était exigé mais une inscription dans une école de ciné.

Enfant ou adolescente, étais tu déjà attirée par le métier que tu exerces maintenant ? Penses tu que ce que tu as vécu dans ton enfance-adolescence t’a aidé à avoir ensuite un parcours atypique, sans diplôme, ou pas du tout ?

Enfant, je me déguisais souvent et j’incarnais des rôles que je prenais très au sérieux. Quand je rentrais d’école, la première chose que je faisais était de me changer pour me transformer en un personnage imaginé sur le moment et j’habitais ce personnage jusqu’à ce que je m’en lasse et que je revienne dans ma vie ordinaire d’enfant. Ado, j’étais un peu le « clown » de la classe, j’étais très tournée vers l’humour et j’étais la fille qui faisait souvent rire les autres, sans vraiment chercher à être drôle non plus. Les profs disaient de moi que j’étais un « sacré personnage ». J’étais également très attirée par le théâtre et les jeux de rôles. Je me souviens qu’en 4ème secondaire (l’équivalent de la Seconde au lycée), on avait pour projet de réaliser un court-métrage, dans le cadre du cours de français. On était quatre dans le projet et j’étais particulièrement impliquée dans la réalisation et dans mon rôle du Lieutenant Houston – Un film policier, écrit dans une forme volontairement comique. Je crois bien que ce projet fut la seule expérience que j’ai vécue comme intéressante sur tout mon parcours scolaire. Pour la première fois, je me sentais dans mon élément et je me rappelle qu’à cette époque, une certaine intuition me poussant à poursuivre dans cette voie avait commencé à me titiller de l’intérieur. Et n’a jamais vraiment cessé depuis. Je ne suis pas certaine que c’est ce sentiment ou cette première expérience à l’école, qui a défini le parcours atypique sans diplôme qui s’en est suivi, mais il est clair que certains éléments de cette époque se regroupent et donnent du sens à certains choix que j’ai posés par la suite.

A l’école, est-ce que tu t’es sentie bien conseillée en terme d’orientation d’études ?

Je ne me rappelle pas vraiment de ce qui m’a été conseillée en termes d’orientation d’études. Et pour tout te dire, je ne suis même pas certaine d’avoir un jour été conseillée.

Pour toi, comment sont vus les autodidactes en France ?

En Belgique en tout cas, je n’ai pas le sentiment que les autodidactes soient vraiment pris au sérieux. Je m’en rends compte souvent à la réaction des gens face au fait d’être autodidacte. À la rigueur, nous serons considérés comme de grands passionnés un peu naïfs* et, souvent, notre expérience et nos connaissances seront décrédibilisées en l’absence d’un diplôme.

*naïfs de croire que l’on peut exceller dans un domaine dans lequel on s’établit comme autodidacte.

Un mot de la fin ?

Je suis actuellement en pleine création d’un projet documentaire que je réalise seule. Le thème de ce documentaire est l’avortement. Je souhaite documenter la parole des femmes ayant vécu une IVG afin de faire entendre au monde leur récit. Ce qu’elles ont à en dire. « L’avortement raconté par les femmes ». C’est à partir de récit que se compose le portrait visuel que je cherche à créer de ces femmes. Pour finir, je voudrais ajouter que le parcours n’a pas été simple, et rien ne se simplifie avec le temps. Les galères et autres pépins rencontrés sur le chemin ont probablement fait de ce parcours, l’expérience la plus intéressante de ma vie et je n’aurai probablement jamais fini d’en apprendre de ces beaux métiers (du cinéma). Il va sans dire que je me débats encore avec « un petit couteau à beurre dans la jungle »…